1994 I 2h07 I Biopic I Touchstone Pictures


LE SYNOPSIS


Apprenti réalisateur enthousiaste, Ed Wood lance ses premiers projets de films alors qu’il n’est que simple coursier à Hollywood. Après avoir produit une pièce de théâtre médiocre et malgré son manque de savoir faire, sa créativité est relancée grâce à sa rencontre avec Bela Lugosi, ancienne légende du cinéma, connue pour avoir incarnée Dracula. Drogué et sans un sou, Lugosi va se prendre d’amitié pour Ed. Ces derniers vont se lancer dans la réalisation de films de science-fiction fauchés et sans intérêt qui permettront toutefois à Ed Wood de passer à la postérité en devenant le plus mauvais réalisateur de tous les temps.

“J’AI L’HABITUDE DE M’HABILLER EN FILLE.”

Casting Complet


  • Ed Wood : Johnny Depp
  • Béla Lugosi : Martin Landau
  • Kathy O’Hara : Patricia Arquette
  • Dolores Fuller : Sarah Jessica Parker
  • Bunny Breckenridge : Bill Murray
  • Criswell : Jeffrey Jones
  • Vampira : Lisa Marie
  • Tor Johnson : George Steele
  • Loretta King : Juliet Landau
  • Georgie Weiss : Mike Starr
  • Conrad Brooks : Brent Hinkley
  • Paul Marco : Max Casella
  • Tom Mason : Ned Bellamy
  • Le Révérend Lemon : G. D. Spradin
  • Ed Reynolds : Clive Rosengren
  • Orson Welles : Vincent D’Onogrio

Fiche Technique


  • Titre original : Ed Wood
  • Titre français : Ed Wood
  • Année : 1994
  • Date de sortie : 28 décembre 1994 (USA), 21 juin 1995 (France)
  • Durée : 127 minutes
  • Genre : Biopic, comédie dramatique, Fantastique
  • Réalisation : Tim Burton
  • Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
  • Basé sur : le livre de Rudolph Grey
  • Musique : Howard Shore
  • Producteurs : Tim Burton & Denise Di Novi
  • Société de production : Touchstone Pictures
  • Société de distribution : Buena Vista (USA), GBVI (France)
  • Directeur de la photographie : Stefan Czapsky
  • Direction artistique : Okowita
  • Création des décors : Tom Duffield
  • Décorateur de plateau : Cricket Rowland
  • Costumes : Colleen Atwood
  • Montage : Chris Lebenzon
  • Casting : Victoria Thomas
  • Co-producteur : Michael Flynn
  • Producteur exécutif : Michael Lehmann
  • Lieux de tournage : Californie (USA) : Ambassador Hotel (Los Angeles), Boardner’s of Hollywood (Hollywood, Los Angeles), Hollywood, Los Angeles
  • Pays d’origine : États-Unis
  • Langue : Anglais
  • Format : Noir & Blanc – Dolby Digital – 35 mm
  • Public : R
  • Budget : 18 000 000 $
  • Recettes : USA – 5 887 457 $ / France – 267 630 entrées

L’ANALYSE


Après avoir travaillé au début des années 90 sur deux fronts simultanément avec Batman Le Défi et L’Etrange Noel de Monsieur Jack, Tim Burton décide, avec sa productrice Denise Di Novi, que leur prochain film sera une œuvre plus modeste et intimiste. Cette chance leur sera donnée par les scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski, qui leur font parvenir par l’intermédiaire d’un ami commun, un traitement d’une dizaine de pages sur l’histoire d’Edward Wood Jr, cinéaste médiocre devenu culte grâce à son film Plan 9 From Outer Space (1956,  nommé à titre posthume comme l’un des pires films du monde) et dont, bien évidement, Burton est un fan inconditionnel.

Après bien des déboires avec son acquéreur initial qu’est Columbia Pictures, c’est finalement Touchstone (filiale de Disney) qui distribue Ed Wood, un biopic fantasmé et optimiste tourné en noir et blanc et lauréat de deux oscars (meilleur second rôle et meilleurs maquillages) qui n’obtiendra au final qu’un succès public extrêmement mitigé malgré un accueil critique flamboyant.

Ed Wood – un épouvantail de carton-pâte

Si le sujet du film se veut clairement moins populaire qu’un Batman, il s’inscrit pourtant dans la ligne directe des autres œuvres de Burton du moins d’un point de vue purement thématique. Artiste indépendant, passionné mais conspué, Ed Wood est un pur produit de la culture d’Hollywood. Fondu de cinéma de genre, son obsession à réaliser envers et contre tous ses propres films comme il l’entend fut une véritable inspiration pour ses proches et ce, bien que les œuvres qu’il réalisa furent toutes plus mauvaises les unes que les autres. Ed Wood était un marginal, se voyant déjà comme un grand de la trempe d’Orson Wells (son idole). C’est ainsi que malgré une médiocrité cinématographique qui saute aux yeux, les films d’Ed Wood ne sont en rien dénués d’âme et ne constituent pas des films bâclés dont le seul but est d’amasser le maximum de recettes (même si cette dimension reste bien présente).

C’est cette passion innée, innocente et aveugle qui séduit Burton, se sentant proche de la personnalité de cet artiste pas comme les autres. Bien que Burton n’ait connu jusqu’alors que des succès, c’est avec une grande force de conviction et contre l’avis général (sa mésaventure sur les Batman en témoigne) qu’il réussit à imposer ses choix, dont, ici, l’usage du noir et blanc, condition sine qua non à l’authenticité du film selon Burton (tous les films d’Ed Wood sont en noir et blanc). Un choix esthétique et artistique assez évident mais qui ne séduit guère les studios, toutefois rassurés par le coût peu élevé du métrage (environ 18 millions de dollars). Car Ed Wood se veut également être une véritable déclaration d’amour au cinéma, en témoignent l’impressionnant soin apporté dans la reconstitution du tournage des scènes des films.

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Si le film se tourne relativement facilement, c’est aussi grâce à la passion de ses interprètes, tel Johnny Depp, qui retrouve Burton une seconde fois après Edward aux mains d’Argent dans le rôle-titre ou l’oscarisé Martin Landau, qui incarne un Bela Lugosi à nul autre pareil.

Bela Lugosi, chronique d’un « à crocs »

Lui aussi véritable épouvantail à succès, Bela Lugosi n’a connu qu’un succès éphémère à la suite de son rôle-fétiche du Comte Dracula en 1931, plongeant dans la drogue et la pauvreté. Sans atteindre le même degré de déchéance que son personnage, Martin Landau a lui aussi connu la galère et avec un CV allant d’Alfred Hitchcock jusqu’à Roger Corman, il est le mieux placé pour incarner le vécu pesant de l’ex-star de l’épouvante, de même que l’affection réciproque qui le lie à Ed Wood lui-même. L’amitié bien réelle qui liait les deux hommes est le parfait miroir de la relation qu’entretenait Burton avec son idole Vincent Price, depuis qu’il lui a rendu hommage dans son premier court-métrage, Vincent, (1982). Ce dernier décède en 1993, alors que Burton vient d’accepter de réaliser Ed Wood. Le film devient une parfaite catharsis et une occasion sans égale de lui rendre un ultime hommage, son documentaire Conversations avec Vincent, n’ayant jamais vu le jour.

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Cette relation qui unie Wood et Lugosi est inspirée de celle décrite dans le livre Nightmare of Ecstasy (de Rudolph Grey), sorte de biographie de la vie de Wood vue par ses proches et anciens collaborateurs, dont le scénario du film s’inspire en partie. Elle est au centre du récit, la vie de Wood n’étant contée qu’à partir de sa rencontre avec l’illustre acteur, certainement le moment le plus optimiste dans toute sa vie. Période où il rencontre également sa femme Kathy (jouée par Patricia Arquette dans le film). Le décès de Lugosi est bien évoqué à l’écran, de même que son impact sur Wood, qui est fugacement montré comme se rapprochant inexorablement de la déchéance de son mentor, seul dans un appartement avec ses chats (en fait, ceux du comédien décédé), juste avant d’avoir l’occasion de lancer un projet de la dernière chance, le mythique Plan 9 From Outer Space. La projection en avant-première de ce dernier sert de finale au film de Burton, préférant finir sur une note naïve et optimiste, à l’image d’Ed Wood, avant d’établir le destin de chaque personnage dans un épilogue précédant le générique. Une certaine pudeur entoure donc le destin, en réalité tragique de Wood et de ses proches, galerie de marginaux étranges dont Burton dresse un portrait aussi touchant que légèrement pathétique.

Candeur et décadence

Habitué aux personnages extrêmes (de Beetlejuice à Batman en passant par Edward et Pee-Wee), Burton tient à ce que Wood ne soit pas seul dans sa quête de célébrité. Car en réalité, il ne l’était pas dans la vraie vie, et ce malgré une tendance marquée au travestissement. En effet, bien qu’hétérosexuel, Edward Wood Jr passait une bonne partie de son temps (entre autres sur les tournages) habillé avec des vêtements de femme. Cette déviance encore très loin d’être courante et acceptée dans les années 1950 ne fait qu’ajouter au caractère exceptionnel de Wood, à son côté marginal qui a tant plu à Burton et Johnny Depp. Wood alla jusqu’à assurer le rôle principal de son premier vrai film, Glen Or Glenda (1952), étrange ode mal jouée et mal filmée, racontant la vie d’un travesti, très inspirée de son propre vécu.

Il obtint pourtant une documentation très poussée sur le sujet, fréquentant assidûment le petit milieu des transsexuels grâce à son ami John « Bunny » Breckinridge (incarné dans le film par Bill Murray) fils d’un ancien vice-président et homosexuel affirmé, qui lui-même tenta de changer de sexe. Un ami « bizarre » parmi d’autres, qui tous tourneront pour Wood, persuadé de son talent, et certainement de sa capacité à les rendre célèbre au-delà des limites de leur propre vécu artistique. Ainsi, on retrouve autour d’Ed Wood une cour hétéroclite de personnalités diverses et variées, comme le mage Criswell (Jeffrey Jones), faux voyant farfelu, Vampira (Lisa Marie), star de la télé présentant une émission consacrée aux films d’épouvante ou encore Tor Johnson (George « The Animal » Steele), star du catch au physique imposant. Chacun feront des apparitions aussi cocasses qu’anecdotiques dans les films de Wood, dont le remarqué Plan 9 from Outer Space.

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Bien que Tim Burton affirme avoir certainement donné une personnalité plus acceptable aux personnages de son film (les équipes du film ont pu en rencontrer la plupart), il n’en reste pas moins que l’hommage qu’il rend à cette troupe de paumés et d’exclus s’inscrit, avec un regard plus touchant que pathétique, dans la droite lignée de ce qui lui plaît tellement : la passion et l’inadaptation chronique de gens pas comme les autres, de nombreux personnages de son film étant présentés comme à la limite du monstre de foire, ces freaks pour qui Burton éprouve une affection particulière et via lesquels il rend un vibrant hommage à sa vision du cinéma.

A ce titre, Ed Wood est peut-être le film le plus mature de Burton, le plus adulte. Le fait qu’il traite, une fois n’est pas coutume, d’un sujet réaliste n’est sans doute pas étranger à ce fait et l’ancre dans un quotidien qui le rend d’autant plus poignant. Non pas que Burton traite son sujet de manière naturaliste, loin s’en faut, les excentricités sont nombreuses, à l’image de la galerie de personnage traités. Mais il ressort du film une tendresse profonde, un attachement aux personnages doublée d’une acceptation de l’autre magnifique qui ne peut être que renforcée par le fait que nous soyons face à un biopic.

De même, le film de Burton n’est jamais (ou rarement) conté autrement que via le regard de Ed lui-même. Présente dans chaque plan, sa bonne humeur contagieuse déteint sur un public conscient du côté artisanal mais bel et bien passionné de son auteur, parvenant ainsi à nous faire comprendre son implication émotionnelle et par là même à nous faire apprécier des films d’une grande qualité cinématographique.

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En ce sens, la scène du train fantôme dans laquelle Ed Wood confie à sa compagne son goût pour le travestissement constitue l’une des plus belles du cinéma burtonien. Au sein d’une attraction reposant justement sur la peur, cet éternel enfant qu’est Ed Wood avoue timidement son attirance pour Kathy, de même que sa déviance vestimentaire, comme n’importe quel adolescent affronte son premier émoi amoureux, ici entouré de toute la batterie de monstres et artifices de carton-pâte typiques des trains fantômes de foires et qui par extension renvoie au travail et au matériel quotidien de Wood, comme autant de témoins à son acte présent. Sûr de lui au sein de cet univers qui est le sien, le voilà conforté à continuer sa carrière de la même façon qu’il l’a toujours abordé, avec passion et candeur, un peu comme Tim Burton lui-même lorsqu’il débuta ses premières œuvres.

L’étrange échec de Tim Burton

Avec moins de 5 millions de dollars de recettes, Ed Wood est un four, le premier jamais essuyé par le réalisateur, qui reste philosophe face à ce revers. Trop personnel et peu commercial, le film est toutefois un succès critique qui lui permet d’obtenir deux récompenses très prisées aux oscars.

Figure célébrée encore de nos jours, Edward Wood Jr et son histoire ne devaient pas avoir assez de potentiel pour être reconnu par le public comme un visage populaire marquant, alors que tant de biopics ampoulés et sans prise de risque obtiennent les faveurs du box-office.

Tout en s’appropriant quelque peu son univers et en y mettant de sa fantaisie si particulière, Burton parvient à apporter un regard neuf sur l’un de ces oubliés du système dont l’aura culte n’est reconnue qu’à titre posthume. Comédie dramatique de haute qualité, Ed Wood parvient maintenant à séduire un nouveau public et à l’instar de celui qui l’a inspiré connaît un véritable regain d’intérêt à posteriori du succès de son auteur, devenu, paradoxalement, un réalisateur au succès qui ne se dément pas mais qui toutefois divise.

LES ANECDOTES


Hommage au “plus mauvais réalisateur de tous les temps”, Ed Wood se devait d’afficher son lot de caméos clin d’oeil. Ainsi Conrad Brooks, acteur récurrent de la filmographie d’Ed Wood, apparaît-il en barman lors de la rencontre entre Ed Wood et Orson Welles. Gergory Walcott, l’un des acteurs principaux de Plan 9 From Outer Space, fait lui aussi une apparition, en présentant Ed Wood à Vampira.

Avec Sweeney ToddEd Wood fait parti des deux seuls films de Burton dans lequel ne figure pas Danny Elfman. En effet les deux hommes se sont brouillé juste après avoir fait L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Ils se sont retrouvé depuis bien sûr et parlent volontiers de cet incident en le comparant à une crise de couple : parfois il faut savoir s’éloigner pour mieux revenir.

LA BOUTIQUE



Tim Burton 1994 © Touchstone Pictures