I/ Le Parcours de Tim Burton

  • Chez Disney
  • Les Serviettes

II/ La Production d’un film

  • Croquis
  • Concept Art
  • Storyboard
  • Fabrication
  • Résultat Final

III/ Influences, Techniques et Styles

  • Littérature
  • Peinture
  • Récurrences & Symboles
  • Pop culture

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Introduction

Le dessin et Tim Burton, c’est une grande histoire d’amour et surtout son premier moyen d’expression depuis qu’il est tout petit. Enfant timide et réservé, il a toujours dessiné ce qu’il lui passait par la tête. Réalisateur mondialement reconnu, il passe encore par le dessin pour représenter ses personnages. Qualifiés d’enfantins par certains, ses dessins sont exposés dans les musées les plus prestigieux (le MoMA de New-York) du monde entier. Comment Tim Burton intègre-t-il le dessin dans son processus créatif? A quels moments le dessin intervient dans la production d’un film? Quelles sont ses influences? Comment son style si particulier a-t-il pu influencer la pop culture? Découvrez tout cela dans ce dossier consacré au dessin chez Tim Burton.

I/ Le Parcours de Tim Burton

Tim Burton a fait ses études à CalArts, l’école d’animation fondée par les Studios Disney. C’est tout naturellement qu’il est embauché dans les Studios aux grandes oreilles en tant qu’animateur en 1979. Il va notamment travailler sur Rox & Rouky (1981) et Taram & le Chaudron Magique (1985). Ses dessins ne sont jamais retenus mais son style est déjà très présent. C’est chez Disney qu’il va créer son premier court-métrage en stop-motion Vincent (1982) ainsi que son premier court-métrage live Frankenweenie (1984). Il dessinera lui-même tous les personnages et les décors et cela deviendra la base de son processus créatif.

 

Mais Tim Burton ne dessine pas que dans les Studios, il dessine tout le temps et partout. Il a pour habitude de griffonner ses idées sur les serviettes des bars et restaurants où il se trouve et de les garder. Si bien qu’il a sorti en 2015 un recueil de tous ces dessins précieusement gardés: The Napkin Art of Tim Burton. Ces serviettes sont également exposées dans ses différentes expositions itinérantes (The World of Tim Burton, Le Labyrinthe de Tim Burton).

 

II/ La Production d’un film

Voyons maintenant où et comment s’intègre le dessin dans la production d’un film. Pour cela nous allons suivre la genèse du personnage du Pingouin dans Batman le Défi (1992) et de Sparky dans le film en stop-motion Frankenweenie (2012). Ils représentent deux techniques différentes de création d’un film (avec des acteurs / avec des figurines) ainsi que deux périodes distinctes (avant et après l’avènement du digital).

A/ Croquis

Dans le cas du Pingouin, le personnage existe déjà via les comics et la série TV. Tim Burton va se servir du dessin (aquarelle, peinture, crayons) pour façonner sa propre version du personnage tel qu’il l’imagine dans sa tête, c’est-à-dire une créature déformée, à mi-chemin entre l’homme et le pingouin. Pour Sparky, même si l’histoire est inspirée du mythe de Frankenstein, Burton va l’adapter à une plus petite échelle, celle d’un chien ayant subit un accident mortel. Il va dessiner les contours du chien ainsi que tous les détails morbides liés à la mort et à la résurrection. Le chien étant l’un de ses animaux favoris, apparaissant dans quasi tous ses films (et plusieurs fois mort). 

 

B/ Concept Art

Une fois que Burton a dessiné la version du personnage sous tous ses angles, une équipe d’artistes doit rendre cette vision viable dans le cadre d’un tournage. Pour le Pingouin, une fois l’acteur Danny DeVito confirmé dans le rôle, les Studios de Stan Winston (responsables des effets pratiques) ont itérés sur l’esthétique du personnage en fonction du corps de l’acteur. Ils réfléchissent aux éléments qui peuvent être ajoutés à Danny DeVito pour transformer sa silhouette et se rapprocher le plus possible des dessins de Tim Burton.

Pour Sparky la tâche est plus ardue car la technique de stop-motion demande de créer des figurines complètements articulées sans jamais laisser voir la technique. Les artistes doivent définir les mouvements et les expressions du personnage pour que les équipes en charge de la création des figurines connaissent les besoins techniques qu’ils devront cacher dans son petit corps. Tim Burton valide alors sur dessins les expressions qui pour lui sont celles de Sparky.

 

C/ Storyboard

Une étape importante pour un film à gros budget: le storyboard. C’est l’étape où tous les plans et séquences critiques sont dessinés comme une BD. Cela permet à la production de mieux définir le budget d’une séquence et au réalisateur d’avoir une vision d’ensemble du film. C’est à cette étape qu’il est le plus facile de rallonger ou de couper une scène, de prévoir le nombre de plans avec des effets spéciaux, de définir la taille nécessaire d’un décor etc. A l’époque les artistes dessinaient à la main et maintenant ils utilisent les outils digitaux (ordinateur, tablette graphique, écran tactile) pour représenter le plus fidèlement possible la composition du plan final avant de le tourner. Pour un film en stop-motion, il est primordiale de storyboarder l’entièreté du film car tout doit être créé et fabriqué pour le film.

 

D/ Fabrication

Vient alors l’étape de la fabrication des décors et des costumes. Pour Batman le Défi, il faut créer une ville: Gotham City. Il n’y avait pas encore les images de synthèses donc pour créer l’illusion, les artistes ont fabriqué des modèles réduits de la maquette pour les plans larges. Ils ont également créés des matte painting, c’est-à-dire des décors peints sur du verre pour agrandir artificiellement la taille des décors. Maintenant nous utilisons des écrans verts et des ordinateurs mais à l’époque certains décors étaient peints directement à la main. Danny DeVito devait passer des heures en séance de maquillage et de prothèses pour rentrer dans la peau du Pingouin.

 

Pour Frankenweenie, chaque figurine est soigneusement confectionnée pour faciliter l’animation (cf notre dossier sur le stop-motion). Les décors “miniatures” sont proportionnels à la taille des personnages (entre 20 et 30cm de haut) et peuvent atteindre plusieurs mètres de haut. Tout doit être fabriqué, peint, soudé et assemblé à la main. Il faut généralement 4 ans pour réaliser un film en stop-motion (conception, fabrication, tournage et post-production compris).

 

E/ Résultat Final

C’est cette chaine d’artistes et artisans, menée par la vision singulière de Tim Burton, qui amène au résultat que nous connaissons tous. Mis côte à côte, le résultat final semble très proche des premiers dessins de Burton. Voilà comment le dessin, distillé dans toutes étapes de fabrication d’un film, mène à une esthétique forte et à des personnages reconnaissables entre mille.

 

III/ Influences, Techniques et Styles

A/ Littérature

Petit, Tim Burton était fasciné par les histoires de monstres et autres contes fantastiques. Il dévorait les histoires pour enfants mais pas que. Il était passionné par les gravures gothiques de l’illustrateur français Gustave Doré (La Divine Comédie, La Bible, Les Fables de La Fontaine…) et du peintre britannique Arthur Rackham (Les Contes des Frères Grim, Alice au Pays des Merveilles…). Les forêts sombres et inquiétantes ont forgé son imaginaire (cf notre compte-rendu du colloque sur les Horreurs Enfantines). Le recueil Des Enfants Fichus d’Edward Gorey a beaucoup influencé Burton pour son fond et sa forme, notamment pour son propre recueil de poèmes: La Triste Fin de l’Enfant Huitre. L’humour noir d’Edward Gorey et la simplicité de mise en page de ses dessins minimalistes rappellent également l’oeuvre de Charles Addams à l’origine de La Famille Addams. Tim Burton est tellement proche de cet univers qu’il n’a pas pu s’empêcher de l’adapter en série avec Mercredi (2022). 

Mais le personnage de la littérature enfantine qui l’aura surement le plus influencé est le Grinch, créé par l’auteur américain Dr. Seuss. Tous les enfants américains de l’époque connaissaient les histoires du Dr. Seuss (Le Grinch, Le Lorax, Horton…). Récemment adaptés en films d’animations, les personnages du Dr. Seuss sont désormais connus dans le monde entier. Il est maintenant facile de voir les similitudes entre le Grinch qui vole Noël et Monsieur Jack qui, malgré lui, détruit Noël. Tim Burton n’a pas peur de mettre en avant des anti-héros à l’instar du Pingouin, de Monsieur Jack ou d’Ichabod Crane dans Sleepy Hollow (1999).

 

B/ Peinture

Qui dit dessin dit peinture, et là aussi Tim Burton a été influencé par plusieurs courants picturaux. Grand ferveur du fait main et de laisser voir la touche de l’artiste, Burton s’inspire de l’Impressionnisme, notamment de Van Gogh et ses toiles mélancoliques. Les décors faits mains de L’Etrange Noël de Monsieur Jack (1993) sont recouverts de griffures comme des traces de pinceaux impressionnistes. 

L’Expressionnisme Allemand a également beaucoup marqué Tim Burton, au cinéma comme en peinture. L’horreur de la guerre transparait dans chaque ligne brisée, chaque expression défigurée, chaque architecture menaçante des oeuvres Expressionnistes. Burton utilisera souvent dans ses dessins et dans ses films les décors pour exprimer le fort intérieur de ses personnages (le château d’Edward aux Mains d’Argent, le monde des Morts dans Les Noces Funèbres, la maison de Charlie et la Chocolaterie…). Le Cri du peintre norvégien Edvard Munch est d’ailleurs directement référencé dans son premier court-métrage en stop-motion Vincent.

 

C/ Récurrences & Symboles

Mais Tim Burton ne voit pas pour autant la vie en noir & blanc. Il utilise souvent de la peinture, des craies grasses ou de l’aquarelle pour donner vie à ses monstres et les mettre en contraste avec les vivants comme dans Les Noces Funèbres. Burton s’est toujours ennuyé plus jeune dans la banlieue de Los Angeles. Pour lui, l’aventure était dans le cimetière d’à côté, là où les créatures prenaient vie dans un tourbillon de couleurs incandescentes. Preuve en est les squelettes colorés que laissent les Martiens derrière eux dans Mars Attacks! (1996). Les expositions sur Tim Burton sont autant remplies de croquis en noir et blanc que de toiles hautes en couleurs:

 

L’archétype des personnages créés par Burton a le teint blafard, le corps longiligne et des grands yeux globuleux. Tel un enfant qui n’aurait jamais appris à dessiner les détails d’un visage. Les grands yeux de ses personnages nous plongent dans leur mélancolie ou bien nous rebutent en nous fixant éternellement. Mêmes certains personnages de films live reprennent cette caractéristique picturale enfantine.

 

D’autres symboles récurrents sont disséminés dans ses dessins et donc dans ses films. A commencer par la spirale, symbole de la folie comme de l’ouverture vers l’extérieur. Elle peut être cachée dans des accessoires tels que les casques des singes dans La Planète des Singes (2001) ou bien répliquées à l’infinie comme sur la robe de la Martienne dans Mars Attacks! (1996). 

 

Sacralisées par le costume de Beetlejuice en 1988, les rayures sont incontestablement le symbole de Tim Burton par excellence. Impossible de passer à côté pour Halloween.

 

Et enfin les cicatrices. Représentatives d’un destin brisé ou d’un départ vers une nouvelle vie, les cicatrices chez Burton recouvrent les corps pour mieux révéler leur nature profonde. Les “monstres” Burtoniens n’ont pas peur de se mon(s)trer tels qui sont, Catwoman en étant le plus bel exemple. Les 9 vies du chat se voient littéralement sur son corps. Même la femme de Beetlejuice arbore fièrement ses cicatrices dans Beetlejuice Beetlejuice (2024).

 

D/ Pop Culture

Tous ces symboles et récurrences font des dessins et des personnages de Tim Burton un style très reconnaissable et identifiable. Outre les multitudes de cosplays de ses personnages pendant la période d’Halloween, ce sont carrément les éléments de la pop culture qui se sont Burtonisés.

Nombreux sont les artistes qui ont ré-imaginé de façon Burtonesque des personnages iconiques tels que les Pokemons ou les Princesses Disney. Preuve que ses dessins, à l’origine de ses films, sont devenus une marque de fabrique connus de tous.

 

Conclusion

Le parcours atypique de Tim Burton et sa créativité artistique ont contribués à rendre ses films singuliers et personnels. Sa facilité à communiquer à travers le dessin transcende le cinéma et lui ouvre les portes des musées du monde entier. Même après 20 films, il utilise toujours cette technique comme premier moyen de communication sur un projet (film, série, exposition, shooting photo). Son style souvent copié mais jamais égalé nous renvoie à notre propre enfance et à l’innocence de dessiner simplement sur une serviette sans se soucier des critiques des autres.

 

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Dossier rédigé par Loïc