Ses Films Amateurs
Le cinéma a toujours eu une importance majeure dans la vie de Burton qui se qualifie volontiers de “cinéphage”. Sa jeunesse s’est déroulée devant un écran. Mais cette profusion d’images n’était pas stérile : très tôt, le jeune Tim Burton a cherché à réaliser ses propres films. Ces court-métrages amateurs, non diffusés, sont ici regroupés en trois catégories qui correspondent à trois moments importants de la jeunesse de Tim Burton et à ses premiers pas dans le monde du cinéma.
L’enfance
The Island of Doctor Agor et autres petits projets
Film réalisé en 1971 par le jeune Tim Burton avec des camarades de classe. Le film, tourné en Super 8, est une adaptation très libre du livre L’Île du Docteur Moreau de H. G. Wells. Burton joua lui-même le rôle du Docteur Agor. Plusieurs prises du film ont été tournées au Zoo de Los Angeles, afin de représenter les animaux modifiés génétiquement ou sur les célèbres plages de Malibu.
« Avec un groupe d’amis, nous faisions des films en Super 8. Il y en avait un nommé The Island of Doctor Agor. Nous avons aussi réalisé un film de loup-garou, un film de scientifique fou et un petit film en stop-motion utilisant des figurines d’hommes des cavernes. C’était vraiment mauvais et cela montre à quel point on peut être ignorant dans le domaine de l’animation. Les hommes des cavernes avaient des jambes amovibles – une était debout et l’autre en position de marche – et nous inversions simplement les jambes. C’est la pire animation que l’on puisse imaginer ! » (Burton on Burton, 2006, p.5)
Le film sur les hommes des cavernes a d’ailleurs été retrouvé et est projeté dans le cadre de l’exposition itinérante consacrée à Tim Burton. On y découvre en effet une animation image par image plus que sommaire à deux ou trois images par seconde, avec des figurines en plastique en guise d’acteurs. Les prises de vues mélangent la stop-motion rudimentaire et le live-action pendant lequel le jeune Burton s’amuse à créer des effets-spéciaux simulant un torrent et une pluie diluvienne en lançant des trombes d’eau sur ses figurines qui se font emporter au seul gré du hasard.
Couleur, muet. Format 8mm. 3 minutes et 21 secondes.
En 1971, Tim Burton doit, dans le cadre scolaire, rendre un compte-rendu de lecture d’un livre sur le magicien Houdini. N’aimant que peu la lecture et la rédaction, il décide à la place de réaliser un petit film en Super 8 où il se met en scène exécutant des tours de magie grâce à des effets spéciaux essentiellement basés sur la stop-motion. La formule se révèle payante puisqu’il obtient un A à son travail.
« Je n’aimais pas lire, et je n’aime toujours pas ça. Dès lors, quoi de mieux pour obtenir une bonne note que de réaliser un petit film ? Je me souviens avoir eu à lire un livre et devoir en faire un compte-rendu de vingt pages, mais, à la place, j’ai préféré faire un petit film appelé Houdini. Je me suis filmé en accéléré en Super 8 noir et blanc. On m’y voyait m’échapper, attaché sur une voie de chemin de fer, être jeté dans une piscine et m’échapper à nouveau, vous savez, tous ces tours débiles à la Houdini. C’était vraiment marrant à faire ! Je n’ai même pas lu le livre, on me voyait juste en train de sautiller dans mon jardin. En somme, un bon moyen pour avoir un A, et j’aurais sans doute eu une meilleure note si j’avais pris la peine d’expliquer la démarche dans un rapport écrit. » (Burton on Burton, 2006, p. 6)
Le projet n’est pas daté exactement et a été réalisé entre 1972 et 1975. Plus qu’un film, il s’agit d’un patchwork d’essais et de petits films dont le but est autant d’expériement ter les possibilités de la caméra et des effets spéciaux que de s’amuser. Nous y voyons Tim, jeune acteur, en train de dormir et y découvrons les rêves qu’il fait, tous aussi absurdes les uns que les autres : il joue ainsi au billard avec une balle de basket en guise de boules, s’amuse à essayer des costumes et des lunettes, nous présente une course de kart assis sur le sol sans véhicule, montrant déjà par là même une très belle maîtrise de la stop-motion. De la même manière, des animations en stop-motion avec des bouts de papier sont présentées dans ce film qui n’a pas de véritable unité. Enfin, le dernier petit passage nous présente Tim Burton se faisant dévorer par un pouf, lequel est animé en image par image. Alors, le Tim présenté au début se réveille pour découvrir que son cauchemar est en fait réalité : il se fait effectivement poursuivre, à peine levé du lit, par un pouf qui cherche à le dévorer !
Nous pouvons supposer qu’en réalité, le film basé sur les rêves ne devait comporter que la séquence avec le jeune Tim dans son lit et celle où il se fait dévorer par le pouf, présentant ainsi une logique scénaristique certaine. Les autres extraits doivent dès lors provenir de projets différents. L’ensemble a néanmoins été projeté et présenté comme un tout dans le cadre de l’exposition itinérante sur Tim Burton.
Couleurs et noir et blanc suivant les séquences, muet. Format 8mm. 7 minutes et 7 secondes.
1997
Petit film en stop-motion réalisé en 1974 par Tim Burton alors âgé de 16 ans. Le jeune homme s’est assez considérablement amélioré dans le domaine en comparaison avec le film sur les hommes préhistoriques réalisé en 1971. Ici, pas d’acteur, pas de scénario très construit, uniquement un monstre tentaculaire se faisant massacrer dans des gerbes de sang vermillon par une pince coupante sortant d’une boîte. Nous sommes véritablement face à une volonté d’expérimentation dans le domaine de la stop-motion, avec une affirmation, pour la première fois dans un film, d’une création plastique propre à Burton qui a lui-même modelé le monstre présenté.
Redécouvert en 1997. Couleurs, muet. Format 8mm. 33 secondes.
CalArts
King of Octopus – 1978
Dans le cadre de ses études au département animation du prestigieux California Institute of the Arts sponsorisé par Disney, Tim Burton réalise un grand nombre de petits films, de plus en plus élaborés. Certains essais d’animation ont été conservés comme King and Octopus, en 1978, qui mêle de manière assez nette le trait spécifique de Burton à des rondeurs venues tout droit des films de Walt Disney.
Stalk of the Celery Monster – 1979
Mais c’est en 1979, à la fin de sa troisième année à Cal Arts que Burton réalise le film qui lui vaudra d’être embauché comme animateur chez Disney : Stalk of the Celery Monster. Ce petit film d’animation en noir et blanc et couleurs met en scène les sévices horribles d’un scientifique fou s’acharnant sur sa victime avec des machines toutes plus terrifiantes les unes que les autres. La référence aux films d’horreur de série B des années cinquante est assez claire et le personnage du scientifique fou est, par la suite, devenu récurrent dans la filmographie du réalisateur (Doctor of Doom, Vincent, L’Etrange Noël de Mr Jack, Mars Attacks!…). Cependant, par une pirouette scénaristique, le film se conclut sur un beau trait d’humour noir, le scientifique se révélant ne pas être en réalité ce qu’il paraissait.
Si le court-métrage est loin d’atteindre la puissance graphique et narrative d’un Vincent, par exemple, il n’en reste pas moins que la « patte » burtonienne est largement sensible, tant au niveau du thème traité que dans la réalisation. La force de la caricature des traits et des caractères et l’humour acide sont représentatifs d’un Tim Burton qui, comme cela deviendra son habitude, se construit entre influences fortes et univers personnel.
« Au fil des années, les films devinrent de plus en plus élaborés, il y avait du son, de la musique, même si ce n’était que pour accompagner quelques coups de crayons. Le dernier film que j’ai fait fut Stalk of the Celery Monster. C’était complètement stupide, mais j’ai quand même été pris. C’était une mauvaise année et j’ai eu de la chance parce qu’ils avaient vraiment besoin de monde. » (Burton on Burton, 2006, p.8)
Les films amateurs de la période Disney
Doctor of Doom – 1980
Embauché en tant qu’animateur à Disney, Burton entre dans une phase paradoxale : en plein milieu du monde de l’imaginaire, jamais son imagination n’a été aussi bridée. Pourtant, malgré le carcan imposé par Disney, Burton s’amuse avec des amis animateurs à réaliser de petits films en Super 8.
C’est ainsi qu’est réalisé en 1980, en collaboration avec Jerry Rees, Doctor of Doom, un court-métrage horrifique en noir et blanc racontant le massacre d’une famille par une créature monstrueuse à qui un scientifique fou a donné vie. Un scénario hommage aux films d’horreurs de série B des années cinquante en somme. Burton lui-même joue dans le film le rôle du scientifique fou, roulant de grands yeux blancs terrifiants et bavant à outrance.
La production, qui a tout du mauvais petit film entre amis, est entièrement assumée comme telle. Les acteurs surjouent, les faux raccords sont légions, le caméraman ne prend même pas la peine de se cacher et est outrageusement aperçu dans un miroir lors d’un plan qui se voudrait cinématographiquement esthétique, le grain de l’image est mauvais et le son, entièrement post-synchronisé par des doubleurs est d’une qualité volontairement effroyable. Catharsis afin de se libérer du normatif Disney ? Toujours est-il que le film est ressenti comme un immense exutoire, une bouffonnerie hommage amusante digne des plus mauvais réalisateurs.
Les références sont multiples. A Frankenstein, bien sûr, mais aussi aux films muets des années 1920s dont le jeu d’acteur exagéré a largement inspiré Burton et ses compagnons pour le court-métrage. Hommage et références, délire horrifique, de nombreux éléments chers à Burton se font sentir dans ce Doctor of Doom qui, s’il n’est assurément pas un grand film, n’a pas été conçu comme tel et s’avère par conséquent être un excellent moment pour les amateurs du réalisateur qui peuvent y déguster sa prestation en tant qu’acteur, participer à ses délires de jeunesse et mieux cerner certains des goûts profonds qui l’animent.
Fiche technique :
- Réalisation : Tim Burton et Jerry Rees
- Le père de Rosita : Harry Sabin
- Voix du père de Rosita : Randy Cartwright
- Rosita : Cynthia Prince
- Voix de Rosita : Randy Cartwright
- Don Carlo : Tim Burton
- Voix de Don Carlo : Brad Bird
- Bob Garcia : Michael Giaimo
- Voix de Bob Garcia : Jerry Rees
- Pepe : Chris Buck
- Voix de Pepe : Randy Cartwright
- Le Monstre : Darrell Van Citters
- Voix du Monstre : Randy Cartwright
- Cameraman : Jerry Rees
- Bystanders : Darrell Van Citters
- Voix de Bystanders : Brad Bird
- Film tourné dans l’appartement de Harry Sabin et dans l’appartement de Jerry Rees