L’exposition Tim Burton à la Cinémathèque – du 7 mars au 5 août 2012 : compte-rendu


Dire que l’on attendait cela avec impatience est un doux euphémisme ! Depuis l’automne 2009 et l’ouverture de l’exposition Tim Burton au MoMA, nous n’espérions qu’une chose : que celle-ci se retrouve enfin en Europe afin que l’on puisse découvrir la profusion d’oeuvres inédites de l’artiste qu’elle nous propose. C’est, grâce à la Cinémathèque Française, chose faite et nous nous sommes empressés d’en profiter lors du vernissage presse pour mieux vous en faire un compte-rendu. Celui-ci dévoile énormément quant au contenu de l’exposition dont il présente plusieurs photos, aussi, si vous souhaitez conserver votre esprit vierge de toute glose corruptrice et découvrir les œuvres avec la fraîcheur virginale d’une créature tout juste créée, n’allez pas plus loin. Autrement et plus trivialement dit : SPOILERS !

Nous vous ferons tout d’abord une visite guidée de l’exposition pour ensuite en faire une petite critique analytique.
Arrivée donc à neuf heures tapantes de nos deux vaillants (ou chanceux, c’est selon) reporters à la Cinémathèque Française. Après récupération de notre Graal, le badge presse, nous nous dirigeons timidement vers l’entrée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous sommes bien accueillis : Balloon Boy, un ballon géant dont le design a été spécialement créé par Tim Burton, nous surplombe avec superbe, scrutant le moindre de nos gestes de ses multiples yeux. Le premier couloir introductif donne le ton : rayé de noir et de blanc à l’image des chaussettes de l’artiste célébré, il nous mène tout droit vers un autre monde !

L’exposition se divise en trois grandes parties. Tout d’abord Burton en tant qu’artiste de ce que l’on pourrait appeler faute de mieux les « Beaux Arts » : photo, peinture, dessin et sculpture. Puis, nous nous plongeons dans la naissance de Burton en tant qu’artiste reconnu avec ses œuvres d’enfance et de prime jeunesse. Enfin, l’exposition se consacre à Tim Burton cinéaste, nous offrant à voir les dessins préparatoires, les scenarii manuscrits ou encore de nombreux objets tirés de ses réalisations cinématographiques.

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Place à l’artiste en premier lieu donc ! La première salle est consacrée aux polaroids de Burton. Celui-ci a en effet eut toute une période entre 1992 et 1994 pendant laquelle il a énormément utilisé le médium de la photo pour s’exprimer. Bras de la poupée animée de Sally en charpie, têtes de Jack Skellington décapitées, Lisa Marie grimée en Sally à mi chemin entre le gothique et le cyber punk, étranges cactus nous fixant de grands yeux surpris dans le désert, nous en prenons pour nos yeux et Burton révèle ainsi un travail à mi-chemin entre la mise en scène cinématographique et l’art du tableau, mettant en avant la déstructuration et l’insolite qui lui sont chers. Ces œuvres méconnues tranchent avec ce que l’on a l’habitude de voir chez l’artiste, plus connu pour ses films, voire pour ses dessins, aussi l’exposition commence-t-elle par une touche originale qui n’est pourtant pas sans lien, évidemment quand on sait la cohérence de l’œuvre burtonienne, avec le reste des productions exposées.

La seconde salle nous plonge en revanche dans une ambiance plus commune à l’imaginaire qui règne autour de Burton. Plongée dans le noir, la pièce n’est éclairée que par de multiples néons ultraviolets qui ont pour caractéristique de ne faire ressortir que le blanc et les couleurs fluo. Un mur est recouvert de petits monstres blancs aux yeux luminescents, rappelant furieusement la Grotte aux Merveilles de Aladdin and the Wonderful Lamp, l’un des premiers films professionnels de Burton. Devant nous se trouve une grande sculpture animée, tirée tout droit des décors du film Hansel and Gretel,  représentant un manège de petits monstres à l’image de ceux qui ornent les murs, éclairés par une boule électrique rougeoyante, le tout diffusant une musique venue d’au delà de l’espace connu, interprétée au thérémine, rappelant ainsi l’amour profond de Burton pour les films de science fiction des années 50. Entre la lumière ultraviolette et cette musique, ambiance spatiale et fantastique garantie ! Nous avons aussi l’occasion d’admirer quelques dessins de Burton qui, éclairés de cette manière, gagnent une toute autre dimension. Pas de doute, nous sommes véritablement dans l’esprit de Burton dans cette salle qui sert d’antichambre à un voyage extraordinaire!

Puis nous arrivons de nouveau à la pleine lumière, dans une grande salle aux murs couverts de cadres. Voici l’un des espaces les plus importante de l’exposition : le Burtonarium.



Derrière ce nom aux accents de film de série Z se cache un espace entièrement dédié à Burton comme créateur d’art pictural et sculptural
. Au centre de la pièce trônent de grandes sculptures de monstres tortueux, toutes dents dehors. Nous sommes là face au monstre burtonien typique, représentant parfait de ce qui est l’un des points centraux de la pièce : les créatures. Burton est ainsi, par son art, créateur de monstres bigarrés aux tentacules multiples, aux rayures multicolores et aux dents innombrables. Mais pour autant, ces monstres tels qu’ils nous sont présentés sont plus pittoresques et carnavalesques que réellement menaçant. Le goût de l’étrange de Burton n’est pas celui de la peur et du macabre, loin s’en faut. Les monstres ne sont pas violents en eux-même, quand bien même ils sont représentés en pleine destruction d’une ville : celle-ci reste sombre et peu détaillée là où nos créatures sont pleines de couleurs et franchement rigolardes. Ce goût pour les monstres se révèle même s’être développé dès la plus tendre enfance de l’artiste. Pour preuve, la diffusion sur un petit écran d’un film d’animation en stop-motion réalisé alors que le cinéaste avait seulement 16 ans et dans lequel un monstre tentaculaire tient le rôle central. Burton se révèle ainsi, sans surprise véritablement curieux envers « l’étrange et l’inhabituel » que révèlent ses dessins et ses toiles.

Ce point ne peut être que confirmé par le mur consacré aux enfants étranges qu’il a créé. Nous avons ainsi devant nous les dessins originaux ainsi que les poèmes manuscrits ayant servi à la constitution de la Triste fin du Petit Enfant Huître (Melancholy Death of Oyster Boy) ainsi que ceux de la série animée Les aventures de Stainboy, qui sont d’ailleurs diffusées sur un écran, au beau milieu des œuvres. Les sculptures originales créées par Tim Burton pour la gamme de figurines Tragic Toys, inspirées du recueil de poème sont également présente, surveillée de près par un Robot Boy mécanique grandeur nature. Que d’émotions lorsqu’en plus des enfants étranges déjà bien connus nous en découvrons de nouveaux inédits telle cette Television Girl au ventre-écran diffusant une paire de fesses poilues ! Burton allie la tendresse de l’enfance à la cruauté absurde pour nous présenter ses personnages attachants qui font tout le sel du recueil de poème et des aventures de Stainboy et qui ont su trouver une place majeure dans son œuvre et passer, déjà, de dessins en deux dimension à des sculptures en 3D. Après tout, n’est ce pas ce même Stainboy qui joue le rôle convoité de symbole de l’exposition?

Pour autant, Burton ne se révèle pas toujours aussi tendre avec la gente humaine : en témoigne la série de portraits d’hommes, de femmes et de couples qui nous sont également présentés. Nous sommes ici face à une série de caricatures parfois mordantes, révélant un sens aigu de l’observation tant physionomique que psychologique. Certains dessins révèlent même leur origine par un papier imprimé, comme le café du Ritz, où l’artiste a l’habitude de se rendre lors de ses excursions en France. On imagine ainsi aisément Burton, assis dans un coin et observant d’un œil amusé les gens qui l’entourent, sa main griffonnant à toute vitesse un portrait peu flatteur de celui qui devient ainsi bien malgré-lui un personnage digne d’un cirque de monstres. Ainsi, Burton perçoit le freak qui sommeil en chacun d’entre nous, au travers des difformités, des attitudes, de la posture, et croque un portrait sans concession. Mais est-ce réellement moqueur ? N’est-ce pas, au travers du dessin, un moyen de rendre hommage à ces anormalités ordinaires, de leur déclarer son amour ? Aussi, de l’humain caricaturé à la caricature d’humain, il n’y a qu’un pas, et c’est ce que dernier mur nous dévoile, avec force humour et dérision. Nous sommes en effet ici face à des portraits de pirates, traités en exagérant à outrance les codes graphiques qui régissent l’imaginaire de la piraterie ainsi que face à une série de clowns. Burton est effrayé autant que fasciné par les clowns en qui il voit l’expression la plus folle de la liberté face à toute convention. Les visages rieurs sont menaçants, torturés. Paradoxalement, ce sont ces humains qui paraissent plus porteurs de périls et plus agressifs que les monstres destructeurs déjà évoqués. A l’image des enfants dont il se plaît à souligner leurs peurs totalement différentes de celles des adultes, Burton ne place pas ses craintes dans les objets conventionnels.

Nous entrons ensuite dans ce qui est la seconde grande partie de l’exposition : « Tim Burton, l’enfance de l’art ». Ce qui nous est présenté ici relève d’un véritable travail d’archéologue de la part des commissaires de l’exposition puisqu’il s’agit des tous premiers travaux de Burton alors qu’il n’était qu’adolescent. Premiers films, bien sûr, lesquels sont diffusés sur une petite télévision. Quelle joie de découvrir ainsi des œuvres dont on avait tant entendu parler dans la bouche de Burton, évoquant sa manière à lui d’esquiver les rédactions en classe en réalisant de petits court-métrages ! Mais également premiers dessins, lesquels révèlent déjà un goût prononcé pour le cinéma de genre et son amour pour certaines figures qui tiendront une place essentielle dans sa carrière, comme le révèle ce portrait maladroit dans son réalisme de Vincent Price. Premiers petits boulots également, au travers d’affiches pour des séances de cinéma, le groupe de musique de la police ou encore pour encourager les gens à broyer leurs déchets organiques. Et déjà une passion profonde pour les monstres aux formes torturées et plein de couleurs, comme le montre Mothera, à mi-chemin entre le Kaiju Gamera et une ménagère américaine aux cheveux fermement tenus par ses bigoudis !

Et ainsi, peu à peu, on perçoit le jeune Burton grandir. Nous entrons avec lui à Cal Arts, l’école d’animation de Disney, où les études plus classiques sur la perspective et les cours d’histoire de l’art côtoient les créations les plus personnelles, avec un style s’affirmant de plus en plus et semblant, paradoxalement, se libérer progressivement de toute convention. Puis en tant qu’animateur à Disney où nous retrouvons par exemple ses études pour Taram et le Chaudron Magique (The Black Cauldron), qui n’ont hélas pas été retenues pour le film. Mais c’est aussi le moment de découvrir ses projets plus ambitieux, comme les dessins préparatoires pour Trick or Treat, qui devait être basé sur une nuit de Halloween dans une maison hantée. Les dessins sont là encore délicieux, mettant au jour plus que jamais la capacité de Burton à créer des monstres difformes, tentaculaires et colorés qui étonnent plus qu’ils ne font peur, tout en mettant en avant l’aspect angoissant des maisons bien alignées de la banlieue américaine. Et il y a les projets qui aboutissent vraiment. Comme Vincent, dont nous avons là quantité de dessins préparatoires, extraits de synopsis manuscrits et éléments de storyboard. Mais surtout, ce qui frappe, ce sont ces deux figurines replacées dans le décor et qui montrent l’importance du tangible dans le processus de création en stop-motion.

Est également développé le film particulièrement rare Hansel and Gretel, qui est projeté en intégralité et dont quelques dessins préparatoires sont présentés.

Mais ce retour dans la jeunesse est aussi l’occasion de faire le lien avec le présent. C’est là le rôle de Frankenweenie qui, rappelons-le, fait l’objet d’un remake en stop-motion qui sortira à l’automne prochain. Aux dessins préparatoires du film original se mêlent les figurines d’animation et la bande-annonce du projet en cours de production. Le pont entre les époques se fait, montrant au passage la très grande cohérence de l’œuvre de Burton au fil d’une carrière qui dure maintenant depuis trente ans.

C’est ainsi fort logiquement et presque chronologiquement que nous entrons alors dans la troisième grande partie de l’exposition : Tim Burton cinéaste. Car comment passer sous silence l’un des aspects majeurs du travail d’artiste de Tim Burton : son travail en tant que réalisateur. Mais plus que toute autre chose, ce que cette exposition cherche à montrer, c’est qu’il n’y a pas de réelle césure entre le réalisateur et le dessinateur. Il le dit lui-même : dessiner est avant tout pour lui un moyen de communication, de mettre ses idées en place lorsque les mots ne parviennent pas à saisir ce qu’il a dans l’esprit. Ainsi, les dessins préparatoires pour ses films sont nombreux et variés. Nous découvrons les idées telles qu’elles étaient avant d’être couchées sur pellicule et pouvons ainsi les comparer avec nos souvenirs des salles obscures. Bien souvent, il est surprenant de constater à quel point le dessin est proche du résultat final. Véritable médium entre l’esprit de l’artiste concepteur et la réalité tangible du plateau de tournage, le dessin tient ainsi une place primordiale dans le processus créatif de Burton et doit par conséquent être considéré comme faisant partie intégrante de la mise sur pied des films. De la même manière, c’est une profusion d’extraits de scenarii, d’idées jetées sur le papier, de feuilles griffonnées à la va-vite que nous avons face à nous, nous intégrant ainsi de manière forte dans la construction de l’objet filmique. Cette impression est encore plus renforcée par la présence de nombreux objets ayant servi au tournage des films : depuis les yeux grandissants de Large Marge dans Pee Wee’s Big Adventure, illustrant bien le travail de stop-motion pour les effets spéciaux à l’épouvantail de Sleepy Hollow en passant par le cerf de lierre d’Edward ou le pull angora rose d’Ed Wood, ce ne sont pas les occasions de s’extasier sur ce que l’on a devant les yeux qui manquent, laissant ainsi ressortir notre côté profondément enfantin de découvrir de manière tangible des images tant de fois admirées et adorées. La mise en place de ces objets est d’autant plus intelligente qu’à aucun moment, quand bien même nous sommes face à des objets techniques comme ces figurines de martiens devant servir à l’origine à animer ces extraterrestres en stop-motion, nous ne voyons véritablement le quatrième mur s’effondrer de manière permanente : la magie et l’imaginaire continuent d’opérer et sortent peut-être même renforcés de cette rencontre avec ce qui est pour beaucoup des objets de légende.

C’est également l’occasion de découvrir des objets de légende en devenir, avec un coin consacré à Dark Shadows, futur long métrage prévu pour mai prochain, et qui nous révèle quelques croquis préparatoires, des accessoires, ainsi qu’une robe portée par Eva Green dans le film.

L’exposition se termine alors, de manière fort logique, sur toute une série de serviettes en papier sur lesquelles Burton a dessiné, récupérées de-ci de-là par les commissaires de l’exposition. Paris, Las Vegas, Los Angeles, Londres, Tokyo c’est un véritable tour du monde des cafés fréquentés par l’artiste que nous avons là. Fin résumant ainsi sans doute mieux que n’importe quelle autre ce que cherche à mettre en avant cette exposition : Burton est un dessinateur sans répit, qui n’a de cesse de crayonner pour s’exprimer, que ce soit dans le cadre de la création de ses films, de manière plus artistique ou encore de manière plus physique et spontanée, comme nous le voyons ici, sur le premier support qui soit disponible : une banale serviette en papier.

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L’exposition avait suscité une attente et des espérances assez immenses dans la communauté d’amateurs du travail de Tim Burton. Autant dire que celles-ci ne sont pas déçues ! C’est véritablement tout un pan nouveau de l’œuvre d’artiste de celui-ci qui est ainsi exhumé. Burton lui-même l’a admis lors de la mise en place de l’exposition : il ne se souvenait pas avoir conservés tous ces dessins. Il confesse volontiers ne pas aimer regarder en arrière, retourner sur ses œuvres, qu’elles soient picturales ou cinématographiques, aussi l’invention de travaux remontant à sa plus tendre enfance n’a pu qu’avoir pour effet un profond retour sur lui-même. Il s’avoue de cette manière extrêmement surpris que Disney ait gardé ses vieux dessins destinés à la poubelle. Estime naissante de la firme pour celui en qui elle pressentait un potentiel futur créateur majeur ? Sans nul doute, et cela est d’autant plus confirmé par le fait que toute œuvre créée alors que Burton travaillait chez Disney appartient légalement à la société. Mais cette vision où se mêlent soutien artistiques et velléités commerciales nous permet d’accéder à un grand nombre de dessins et ainsi de toucher au plus près au génie de Burton. Car, quoi qu’il en dise, affirmant contre vents et marées que sa production picturale ne relève pas du genre de l’art mais simplement du travail d’étude, du processus de création et de l’expression personnelle, soutenant qu’au fond il est un bien mauvais dessinateur et que tous les enfants pourraient en faire autant, il n’en reste pas moins que le travail qui nous est présenté ici révèle un véritable génie du dessin. Le dessin de Burton, pour ne pas dire le dessin en général, a ceci de particulier qu’il n’est pas une forme aboutie d’art. Le trait se voit encore largement, les couleurs sont lancées vivement sur la feuilles, nous sommes même souvent face à de simples esquisses griffonnées dans un coin de feuille, sur une serviette de table, sur un sous-main. L’œuvre finale qui en résulte n’est pas retravaillée, pas léchée à l’extrême, en somme, elle « n’est pas finie ». Comment, dès lors, ne pas faire le rapprochement avec les créatures que Burton chérit tant et en premier lieu son Edward aux mains d’argent (Fabien GAFFEZ, Positif n°613, mars 2012, p. 95-98)?

Ce qui frappe avant tout dans cette exposition, c’est la très grande profusion d’œuvres. Sur chaque mur, dans chaque recoin, les cadres foisonnent, nous livrant mille détails précis à examiner. Vous vous surprendrez, en sortant, à vouloir y retourner car il semble impossible, face à une telle avalanche de travaux, de tout appréhender d’un coup. C’est que nous sommes là face au travail d’une vie d’un homme qui ne cesse jamais de créer car, pour lui, la création est son seul véritable moyen d’expression. La scénographie de l’exposition met ce point particulièrement bien en avant en nous faisant entrer dans un univers plein d’images et de couleurs, de contrastes et de mouvement. Les sculptures se mêlent efficacement aux œuvres picturales et aux objets tirés des divers films, mêlant le tout dans une unité remarquable qui fait écho à la cohérence profonde de la carrière de Tim Burton. Seul défaut scénographique à noter : les dessins et peintures de Batman le défi (Batman Returns) ne sont guère éclairées, l’impressionnante tête du serpent de sable de Beetlejuice placée juste au dessus leur faisant de l’ombre. C’est un bien maigre défaut de scénographie quand on voit l’immense travail qu’il y avait à faire !

En revanche, ce qui peut être plus discuté est le plan adopté par l’exposition, et ce pour deux raisons. La première est son orientation thématique qui peut sembler curieuse : production artistique pour elle-même, travaux d’enfance et travaux cinématographiques. Séparer ainsi des périodes et des travaux qui peuvent avoir entre eux une cohérence thématique sans pour autant adopter une démarche strictement chronologique est curieux. Ce qui nous amène au second point : en séparant le travail cinématographique de Burton de sa production artistique pour elle-même, on tend à produire le discours inverse de ce que l’exposition cherche précisément à montrer : l’unité de l’œuvre de Burton se trouve ainsi éclatée en divers pôles qui ne sont pour autant pas sans résonance les uns avec les les autres. Là où l’artiste affirme que ses dessins, qu’ils soient faits dans le cadre de la préparation d’un film ou non relèvent d’un même processus créatif, l’exposition cloisonne le monde du cinéma de celui de la production artistique indépendante. On imagine aisément derrière ceci la volonté de la part des créateurs de l’exposition de mettre en avant le double visage de Burton, en soulignant d’une part que celui-ci n’est pas que cinéaste, mais en faisant également plaisir au plus grand nombre qui trouve ses repères au travers des objets et dessins liés au réalisateur. N’aurait-il cependant pas été plus judicieux d’adopter, à la manière de l’ouvrage The Art of Tim Burton, un plan strictement thématique dans lequel créations de jeunesse, œuvres artistiques et objets cinématographiques se seraient mêlés pour former un discours cohérent ? Pareille répartition aurait eu le mérite d’être thématiquement plus cohérente, mais il faut bien admettre qu’elle aurait été, pour celui qui ne connaît pas en profondeur le travail de Tim Burton, sans doute moins intelligible que celle adoptée. Soulignons enfin qu’à aucun moment de l’exposition le plan adopté n’a paru incohérent et que ceci ne relève que de remarques a posteriori.

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Une superbe exposition donc, qui a le mérite de faire découvrir un Tim Burton complètement nouveau sans que l’on soit pour autant déboussolé par son travail. La profusion d’œuvres présentées nous brosse le portrait d’un artiste sans cesse en quête d’inspiration au plus profond de lui-même, mais aussi celui d’un homme observateur, rieur, qui s’amuse de tout et qui, s’il ne ménage jamais les sujets qu’il traite, ne leur manque pour autant pas le moins du monde de respect voire même d’affection. C’est également et peut-être surtout le reflet d’une imagination débordante et débridée, nourrie de multiples influences. Celles-ci ne sont d’ailleurs pas détaillées dans l’exposition afin de laisser Tim Burton face à lui-même. Il y aurait pour autant un travail au moins tout aussi immense à faire sur Tim Burton et ses influences.
Enfin, sachez que le meilleur reflet possible de cette exposition n’en est pas son catalogue, assez ridiculement incomplet, mais bien le superbe ouvrage The Art of Tim Burton que nous ne saurions assez conseiller de vous procurer tant il est une œuvre à part entière et majeure de celui qu’il faut bel et bien désormais considérer comme un artiste complet.

Compte-rendu par Laston, photos, relecture et modifications par Eledhwen

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Exposition Tim Burton à la Cinémathèque française du 7 mars 2012 au 5 août 2012.
Une exposition conçue par The Museum of Modern Art de New York.

Commissariat: Jenny He et Ron Magliozzi avec Rajendra Roy (MoMA)
Collaborateur artistique à la Cinémathèque française: Matthieu Orléan
Scénographie: Pascal Rodriguez
Graphisme: Marion Solvit

Plus d’informations sur l’exposition sur le site de la Cinémathèque française