Helena danse le slow avec les humains


Le regard ironique de Woody Allen, qui en faisait son épouse dans “Maudite Aphrodite”, avec déjà fêlé le carcan littéraire entourant Helena Bonham-Carter. En devenant “singe” pour Tim Burton, l’actrice anglaise, romantique par excellence, vire à 180o par rapport aux mondes secrets et feutrés qu’elle avait investis pour James Ivory (“Maurice”, “Chambre avec vue”, “Retour à Howards End”) et se rapproche de son vrai moi.


ENTRETIEN

Que signifiait pour vous “Planète des singes”?

La série des “Planète des singes” est ancrée dans la pop culture de ma jeunesse. Ces films ont joué un rôle dans mon imaginaire… Pouvoir entrer, à mon tour, dans la mythologie populaire de ces histoires, qui, quelque part, ont autant frappé les gens que les BD de Superman, Mandrake ou Batman, et ont ravi l’Anglaise rêveuse qui aime se mêler à la vie nocturne et aux fêtes où on se libère grâce à des déguisements, que je suis…
Magnifique cadeau de Tim Burton, donc! Et comme le scénario est resté longtemps secret, même pour les interprètes, il me l’a offert emballé dans une boîte magique!

Que pensez-vous des scènes amoureuses entre votre personnage de damoiselle singe et l’humain Mark Wahlberg?

J’aime cette idée d’un rapprochement de tendresses entre un singe et un humain… Ç’aurait pu être cru, bizarre. Et ce l’est un peu! Mais Tim Burton m’a demandé d’exprimer ces sentiments-là de manière progressive et pudique. Pour comparer l’amour à la danse, disons que mon personnage fait un slow avec Mark Wahlberg, pas un rock!
Oui, il y a une love story entre un animal et un humain dans ce film… Comme j’aime assez péter les plombs, ça ne me dérange pas. Vous m’avez beaucoup vue dans des films d’époque de Ivory ou dans des adaptations de la grande littérature anglaise, mais mon vrai moi est très proche de l’excentrique Tim Burton. J’aime bien le choc entre le déjanté et le cérémonieux, par exemple. Si Tim Burton est un individualiste forcené, je le rejoins presque dans ce domaine!

Vous avez d’abord été modèle pour photographes avant de devenir actrice. Il y a un grand pas entre ces deux métiers?

Un modèle ne peut progresser que dans la célébrité, c’est le photographe qui fait la grande part du boulot. Une actrice, elle, peut évoluer dans son propre talent… Interpréter, c’est apprendre tous les jours, et j’aime ça! C’est aussi s’intéresser de manière approfondie au cinéma pour pouvoir choisir les meilleurs réalisateurs. Les plus affirmés. Mais aussi, et peut-être surtout, les débutants dont on devine que le talent va éclater et qu’il vous mènera vers de nouvelles voies d’interprétation et dans des univers originaux.

Qu’avez-vous appris en jouant une singe?

L’humilité. Dans mes autres rôles, j’utilise mes armes de jeune femme: la séduction, une manière de dévoiler la beauté qu’on veut bien me reconnaître… Grimée, maquillée pendant des heures, envahie par les poils, j’ai dû jouer sous un masque. Un peu comme les acteurs de l’ancien théâtre grec et japonais. Mes sentiments devaient passer par mes yeux, un mouvement de la bouche. Ils devaient donc être forts, sincères. Car on ne peut mentir à la caméra. C’est le premier rôle où je devais être complètement une “autre” que moi.
Le maquillage était une contrainte, certes, mais, heureusement, les nouvelles techniques font un peu oublier cette couche d’artifices sur la peau. Si bien qu’on finit par l’oublier en jouant. Interpréter, c’est ressentir des sentiments, comprendre son personnage. Si on réussit ça, qu’importe qu’on soit recouvert de poils et d’autres choses, on transmet quelque chose vers le spectateur. A tel point que je trouve mon personnage de singe assez glamoureux parfois!

Après ce film, Hollywood voudra vous accaparer…

Mais je continuerai à vivre à Londres. En 2001, il y règne une atmosphère d’inventivité artistique dans tous les domaines qu’il ne faut pas manquer. Quittait-on l’Angleterre à l’époque des Beatles et de Carnaby Street? Non! Ç’aurait été une folie.