Trente-trois ans après Franklin Schaffner, Tim Burton s’attaque à La Planète des singes. Il a récrit le scénario pour mieux respecter l’auteur
Tim Burton a toujours aimé les clins d’œil. En voilà un qui ne trompe pas: le personnage joué par Michael Keaton dans Beetlejuice (1988), deuxième film du réalisateur et première œuvre véritablement burtonienne, s’appelle Betelgeuse. Soit le même nom qu’une étoile de la constellation d’Orion où l’écrivain Pierre Boulle situe son roman La Planète des singes, publié en 1963. Roman dont Tim Burton vient de réaliser l’adaptation, qui sortira le 22 août en France. Ces deux-là devaient donc se rencontrer un jour. Voilà qui est fait.
Mais cela a pris du temps. Une bonne dizaine d’années exactement, puisque c’est à l’orée des années 1990 que la Fox décide de mettre en chantier une nouvelle adaptation du roman, après celle réalisée en 1968 par Franklin Schaffner avec Charlton Heston – Tim Burton avait alors 10 ans, était déjà attiré par le bizarre et les monstres et se souvient avoir été très impressionné par l’inquiétante stature de l’acteur, sûrement plus que par les singes. Plusieurs réalisateurs s’intéressent au projet, comme Oliver Stone, Chris Columbus ou James Cameron (celui-ci prévu avec Arnold Schwarzenegger), mais le temps passe sans que rien se déclenche. Le nom de Tim Burton circule déjà dans les couloirs de la Fox qui rêve de le voir réitérer l’immense succès de Batman, sorti en 1989. Le réalisateur donnera finalement son accord à la fin du tournage de Sleepy Hollow en 1999.
A Hollywood, Tim Burton est un cinéaste d’un genre particulier. Il est le seul auteur possédant un univers complexe et original à se voir confier des budgets aussi énormes par les studios – 100 millions de dollars pour cette Planète des singes.
Inversion des rôles et effets de miroir
Ce qui en fait un réalisateur aimé des kids américains, qui mangent du pop-corn en admirant Catwoman, et des cinéphiles européens – surtout français – qui aiment l’étrange monde de Monsieur Tim où se marient l’horreur et le merveilleux, la lumière et la chauve-souris, la belle et les bêtes, les joies et les peurs d’une enfance enfouie en chacun.
Il n’y a rien d’étonnant à voir Tim Burton s’intéresser à cette histoire où les hommes en cage, esclaves des singes, sont les sujets des expériences des chimpanzés en blouse blanche. Inversion des rôles, effets de miroir, gommage des frontières entre animalité et humanité: autant de cartes à jouer pour le réalisateur de Mars Attacks! Mais il n’y a rien d’étonnant non plus à ce que Tim Burton, qui a toujours refusé de mettre en scène un remake, demande de récrire le scénario afin qu’il soit plus proche du roman de Pierre Boulle. Parenthèse: ceux qui s’extasient devant l’amusante pirouette finale de cette version, différente de celle du film de Schaffner, devraient relire le roman avant d’écrire ou de dire n’importe quoi, fin de la parenthèse.
Réalisée en 1968, à l’époque où le moindre grincement de dents venu de l’Ouest ou de l’Est faisait encore craindre une guerre nucléaire, La Planète des singes, avec Charlton Heston, pointe les dangers d’une surenchère guerrière qui anéantirait la race humaine; voir la fin où le héros se rend compte que la planète des singes n’est rien d’autre que la Terre. Tim Burton, tout en respectant efficacement les codes du film d’action – il y a quand même beaucoup d’argent à faire rentrer – se mêle davantage, comme Pierre Boulle à son époque, des préoccupations de son temps. Fidèle à ses habitudes, il prône une nécessaire compréhension envers tout ce qui serait différent d’un homme-chauve- souris schizophrène, Pierrot lunaire aux mains en forme de ciseaux, pingouin monstrueux. Et installe l’intrigue sur le terrain de l’évolution des espèces. Car si les singes dirigent des armées et lavent leur dentier avant de se coucher, il leur arrive encore de grimper aux arbres en criant et d’éplucher des bananes avec leurs pieds. Quant aux humains, à trop vouloir se croire supérieurs aux autres…