critique La planète des singes, mad-movies.com


La véritable carrière d’auteur de Tim Burton a commencé avec Edward aux mains d’argent et s’est terminée sur Ed Wood. Ce constat n’a rien d’effroyable et ne minimise en rien les qualités indéniables de Pee Wee’s Big Adventure, Beetlejuice, Mars Attacks ou encore Sleepy Hollow. Mais il est évident que ce sont les deux biographies pré-citées (la sienne, masquée, et celle du “plus mauvais cinéaste de tous les temps”), ainsi que Batman Returns et L’Etrange Noël de Mr Jack qui auront imposé la patine Burton aux yeux de son public.

Pourquoi ? Tout simplement car ils reflètent très précisément la personnalité du génie de Burbank. Entre un concerto de névroses propres au cinéaste, mené par un compositeur à la touche mélomane (le scénariste Daniel Waters et ses dialogues musicaux sur Batman Returns), l’évocation touchante de sa relation avec le regretté Vincent Price (via celle d’Ed Wood et Bela Lugosi) et le parcours d’un rêveur en terre inconnue (Mr Jack chez le Père Noël renvoit bien sûr à Mr Burton chez le père Disney), ces quatre chefs-d’œuvre forment la thérapie cinématographique de celui que l’on pourrait nommer Tim mais tout autant Vincent, Edward (Ed), Jack, ou encore Oswald…

Face à cette constatation évidente, la question qui divise l’ensemble de notre belle rédaction est la suivante : La Planète des Singes est-il vraiment un film de Tim Burton ?
Après la relative déception de Sleepy Hollow (un sompteux livre d’images qui ne cache que trop bien la vacuité de l’ensemble), on est tenté de répondre par l’affirmative. Oui, indéniablement, La Planète des Singes est bel et bien un film de Tim Burton.
Ecartons d’emblée le débat sénile des comparaisons avec le film de Franklin J. Schaffner : si Burton reprend bien le concept de base (un astronaute se crashe sur une planète dominée par des macaques), c’est pour l’engager dans une direction fondamentalement différente. Sans posséder la même richesse thématique que son glorieux modèle, cette nouvelle Planète des Singes s’aventure sur le terrain de la bestialité, thème que l’original effleurait de manière politique et non sensitive. Un avantage considérable qui aura déjà donné beaucoup de saveur aux personnages de Batman Returns. En prenant le projet à bras-le-corps, le cinéaste nous propose donc un univers tribal où le singe n’a pas totalement évolué vers l’humain, n’a pas encore acquis le même savoir technologique et manie la politique sur une base religieuse. Le rapport physique est alors évident et confère une certaine étrangeté, un décalage même, au projet. Le teigneux Général Thade (Tim Roth, époustouflant) s’accroche aux branches, fait des bonds vertigineux et pousse de stridents hurlements de mécontentement. Ses dialogues savoureux (“Quand j’en aurais fini avec l’humain, le sénat se frappera le torse de plaisir”) se fondent dans le moule. Car il s’agit ici de la création d’un univers et de la capacité d’y faire croire. L’apparition ironique de Charlton Heston (en vieux singe mourant qui fait un discours anti-armes à feu !), les gags délicieusement bis (un macaque retire sa perruque et son dentier avant d’aller se coucher), la confrontation entre deux gorilles au passé conjoint et l’idylle naissante entre Leo (Mark Wahlberg) et la femelle chimpanzé Ari (Helena Bonham Carter) n’apparaissent donc pas comme une simple coquetterie de cinéaste mais bien comme divers éléments scénaritiques qui finissent par forger un film-univers tout à fait cohérent.

Si cet aspect résolument primitif épate dans un film de studio, un blockbuster estival qui plus est, il faut malgré tout compter sur les exigences des pontes à cravates qui lorgnent au dessus de la tête du cinéaste. En bon exécutant, Tim Burton emballe des séquences de batailles avec un savoir faire qu’on ne lui connaissait pas. Les gorilles se jettent dessus, s’empoignent avec les humains, les font voler dans les airs… C’est le bon point. A ce niveau-là, c’est malheureusement le seul et il découle logiquement du parti-pris “animal” du cinéaste. Car on peut aisément attribuer à la Fox d’avoir demandé à ce que les esclaves humains soient doués de parole (grossière erreur), à ce que la relation Ari-Leo soit tempérée par la présence inutile d’une bimbo de catalogue pour lingeries, enfin à ce que certaines séquences soient remontés, en négligeant parfois la logique de l’intrigue. Des perturbations cependant mineures (le script est linéaire) qui n’entachent pas trop la commande dont le cinéaste s’est acquitté.
Car c’est désormais clair : Burton ne fait plus des films sur Tim (Vincent et les autres…) mais bel et bien des films de Tim. Faut-il pour autant l’abandonner dans cette nouvelle approche riche en promesses ? Bien sûr que non, on aime trop le cinéma pour ça !